Le titre de l’album (Irrlicht : « feu follet » en allemand) est trompeur. Plutôt que de la lumière, j’y entends surtout un lent travail du noir et de l’opaque par le son. La pochette, en revanche, nous y prépare bien : cet album invite dans un autre monde, plus vaste et plus sombre que le nôtre. Klaus Schulze crée une musique planante où rien n’est préconstruit, aucun schéma rythmique ou mélodique. Tout semble fait sur le moment, suivant un temps ralenti et un espace agrandi. Le premier titre mêle une angoisse continue à des textures réconfortantes. On a le sentiment d’être plongé, seul et minuscule, au milieu d’un immense orchestre de métal souverain, aveugle et menaçant. La lenteur des pulsations ralentit le temps sans le distendre, car le son conserve toujours une densité oppressante, avec de beaux passages aux violons détunés. Le deuxième titre ouvre sur un monde plus vaste et aérien, ce qui continue dans le troisième titre avant de replonger dans les abysses. Je suis impressionné par la diversité des univers créés à partir d’un seul orgue (un orgue cassé qui plus est, comme l’indique le livret de l’album), univers tour à tour lourds et planants. Les jeux de résonances et d’harmoniques sont jouissifs. Le quatrième titre, ajouté à la réédition de 2006, est plus lassant et moins créatif.
Votre commentaire